Dénonciation calomnieuse : point de départ du délai de prescription

Lorsqu’une infraction est commise, la victime – ou l’autorité compétente – peut poursuivre à condition que l’action publique ne soit pas prescrite.

Cela signifie qu’au-delà d’un certain temps (délai de prescription), il n’est plus possible d’agir.

Avant le 1er mars 2017, ces délais étaient les suivants :

  • contraventions : 1 an,
  • délits : 3 ans,
  • crimes : 20 ans.

Depuis la loi du 27 février 2017, ces délais sont les suivants, outre certaines exceptions introduites notamment par une loi du 3 août 2018 :

  • contraventions : 1 an,
  • délits : 6 ans ou 10 ans par exception,
  • crimes : 20 ans ou 30 ans par exception.

En principe, ce délai commence à courir au jour où l’infraction est commise.

Il existe cependant de nombreuses exceptions à ce point de départ.

L’infraction de dénonciation calomnieuse (art 226-10 code pénal) en est une.

Le point de départ de la prescription de l’action publique de l’infraction de dénonciation calomnieuse commence à courir au jour où la dénonciation est parvenue à l’autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente (plainte, etc.).

Cependant, lorsque le fait dénoncé a donné lieu à des poursuites, alors le délai de prescription est SUSPENDU le temps de la procédure.

La suspension ne sera levée que le jour où la décision concernant le fait dénoncé devient définitive (signification et absence).

Une difficulté est apparue lorsque dans une affaire,  M. X a été relaxé par une décision du 14.12.2010. Cependant les parties civiles ont fait appel mais uniquement sur la réparation du fait de la faute civile. Leurs demandes ont été portées jusque devant la Cour de cassation qui a rendu une décision, laquelle a été signifiée le 26.09.2012.

M. X ayant été relaxé et souhaitant obtenir réparation pour dénonciation calmomnieuse a déposé une première plainte pour dénonciation calomnieuse en 2013, laquelle a été classée sans suite en 2014.

S’estimant tout de même lésé, il a agi par voie de citation directe devant le tribunal correctionnel le 21.05.2015.

La partie adverse a considéré que l’action était prescrite car plus de 3 années s’étaient écoulées depuis le 14.12.2010.

La Cour d’appel a statué en ce sens.

M. X a cependant contesté sa position devant la Haute juridiction française.

Par arrêt du 21.04.2020 (pourvoi n°19-81.089), la cour de cassation a estimé que le délai de prescription pour l’action en dénonciation calomnieuse ne courait pas au jour de la décision de relaxe (14.12.2010) mais au jour où la décision d’appel était devenue définitive (après signification de l’arrêt de la cour de cassation du 26.09.2012), peu important qu’elle ne fût rendue que sur intérêts civils.

Deux mamans pour un bébé? / Ein Baby, zwei Mütter?

Par une décision du 10 octobre 2018 (Beschluss vom 10. Oktober 2018 – XII ZB 231/18), la XII ème chambre civile du Bundesgerichtshof (BGH) allemand – compétente pour statuer sur les pourvois en droit de la famille – a rendu une décision intéressante sur les liens de filiation dans l’hypothèse d’un couple homosexuel.

En l’espèce, Mme X et Mme Y, en couple depuis 2014, étaient unies par un PACS (lebenspartnerschaft) avant de se marier le 12 octobre 2017.

Le 3 novembre suivant Mme X a accouché d’un enfant conçu par procréation médicalement assistée.

Mme Y a souhaité reconnaître l’enfant et être inscrite en tant que mère. Cela lui a été refusé.

Dans le cadre d’un recours, l’affaire a été transmise pour avis au BGH.

La question posée était la suivante : la compagne d’une femme peut-elle reconnaître l’enfant, dont cette dernière a accouché, comme son propre enfant et ainsi établir un lien de filiation qui sera retranscrit sur l’acte de naissance ?

L’enfant se verrait alors reconnaître deux mères.

La Haute juridiction germanique a conclu que l’article 1592 du BGB permettant à un autre parent de reconnaître l’enfant ne concerne que les personnes de sexe masculin.

L’intitulé est en effet particulièrement clair et concerne le père (“Vater”).

Par ailleurs, aucune disposition particulière nouvelle n’a été introduite par la loi “Ehe für alle”, légalisant en Allemagne le mariage entre personnes de même sexe.

Comme le rappelle la Haute Instance, la seule possibilité reste l’adoption. L’article 1741 al.2, phrase 3 énonce en effet, sans égard au sexe, “un époux [au sens neutre] peut adopter seul un enfant de son conjoint. ” Le texte n’opère aucune distinction entre couples de sexe différent et couples de même sexe.

Les juges du BGH rappellent qu’un tel état du droit ne heurte pas la convention européenne des droits de l’homme.

Sans doute font-ils allusion à l’arrêt Boeckel et Gessner-Boeckel rendu par la cour éponyme le 7 mai 2013 (CEDH sect. V, 7 mai 2013, c/ Allemagne, no 8017/11), qui concluait à l’absence de discrimination au sens de l’article 3 de la convention.

Cette position vous rappelle peut-être celle retenue par le droit français … ?

En effet, la question n’est pas sans rappeler celle de la filiation suite à l’adoption de la loi sur le mariage pour tous (Loi n°2013-404, 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, JO 18 mai 2013, p. 8253) en France.

En Allemagne, la question a été posée dans les mêmes termes et circonstances après l’adoption de la loi “Ehe für alle” (mariage pour tous), adoptée en juin 2017 et entrée en vigueur le 1er octobre suivant.

En France, l’article 6-1 du code civil (créé par la loi sur le mariage pour tous) dispose : ” Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe.

Le Conseil constitutionnel saisi en 2013 en déduisait clairement qu’ “au sein d’un couple de personnes de même sexe, la filiation ne peut être établie par la présomption de l’article 312 du code civil” (Cons. const. 17 mai 2013, n° 2013-669 – cons. 40).

Encore très récemment, par une décision rendue en date du 7 mars 2018 (pourvoi n°17-70.039), la 1ère Chambre civile de la cour de cassation rendait un avis pour le moins aussi clair que la loi : elle a rappelé que la loi sur le mariage pour tous “a expressément exclu qu’un lien de filiation puisse être établi à l’égard de deux personnes de même sexe, si ce n’est par l’adoption.”

Elle en a conclu que “Le juge d’instance ne peut délivrer un acte de notoriété faisant foi de la possession d’état au bénéfice du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie.

Ainsi, il n’est nulle possession d’état ni reconnaissance qui puisse être reçue en présence d’un couple homosexuel.

L’avenir nous dira si un recours est intenté par Mme Z dans l’affaire soumise au BGH.

Voilà en tout état de cause un point d’accord entre ces deux pays à défaut d’accord sur d’harmonisation sur d’autres points de droit …

-> En attendant, je vous invite à lire sur l’arrêt du 7 mars 2018 l’article suivant : Pas de famille homoparentale hors adoption – Hugues Fulchiron – D. 2018. 983

OCDE et lanceurs d’alerte

En 2016, l’OCDE posait des recommandations pour une protection efficace des lanceurs d’alerte dans les secteurs public ET privé.

Jusque là, le droit prévoyait une certaine protection dans le domaine public, mais une grande méfiance persistait dans le domaine privé.

Une loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, a été adoptée en vue de renforcer le statut de ces lanceurs d’alerte.

Une procédure de recueil des signalements a été mise en place par décret n° 2017-564 du 19 avril 2017.

Pourtant, cette réforme paraît encore insuffisante.

En effet, elle définit le lanceur d’alerte comme ceci (art. 6 de la loi):

“Un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l’alerte défini par le présent chapitre.”

Cette définition n’est pas pleinement satisfaisante en ce qu’aucun des termes employés n’est vraiment clair, à l’instar du terme “de manière désintéressée et de bonne foi” ou encore la restriction posée en fin d’article notamment concernant les documents couverts par le secret de la défense nationale.